La Patagonie Australe, la Patagonie légendaire, la Patagonie de toutes les aventures. Car moi j'en ai rêvé (cauchemardé ?) de ces montagnes magiques perdues au fin fond de grands espaces dépeuplés balayés par les vents violents du Pacifique ! Ici, dans ce Grand Sud du bout du monde, se rassemblent des paysages des plus spectaculaires : la fantastique calotte glaciaire du Campo de Hielo Sur et ses glaciers gigantesques, dont le plus que célèbre Perito Moreno, le mythique massif du Fitz Roy, et côté Chilien, le massif des Torres del Paine et les canaux de Patagonie, entre fjords majestueux et glaciers suspendus. C'est donc dans cette région que nous mettions le cap à présent.

Mais si le printemps avait bel et bien posé ses valises à la Peninsula Valdes, nous craignions qu'il hiberne encore au creux de l'hiver dans le Grand Sud... Je rappelle que tous les guides et forums s'accordent à dire que la saison idéale pour visiter le Grand Sud commence en octobre. Grrr... Avant, l'hiver est réputé être si rude que certaines destinations sont inaccessibles et nombres d'établissements ferment alors aussi leurs portes... Les jours également sont courts. Côté transport, des liaisons régulières quotidiennes en bus étaient déjà en service [1] fin septembre mais nous perdions 2 jours en transport. Ce luxe, nous ne pouvions pas nous le permettre. Nous avons donc eu le choix entre les compagnies aériennes [2] suivantes : Aerolineas Argentinas[3], Lan Chile [4] ou Lade [5] mais seul Aerolineas Argentinas nous proposait des horaires adaptés à notre programme [6].

Notre vol est donc prévu à 8h15 du matin, au départ de l'aéroport de Trelew au Sud de Puerto Madryn [7]. Nous avions réservé la veille une navette [8] (ou airport shuttle) qui vient vous chercher ses passagers à la réception de leur hôtel pour les emmener à l'aéroport. Une fois arrivées, on enregistre. Mais avant de passer les portes d'embarquement, une taxe de 6,05 AR$ est à payer et le reçu est agrafé à votre carte d'embarquement. Le matin commençait à réchauffer la journée qui s'annonçait radieuse. Et elle resta radieuse à l'atterrissage à El Calafate. J'avoue avoir été bluffée par les paysages aperçus du hublot : et là, les images d'Australie me sont revenues à l'esprit. Les mêmes étendues immenses et quasi désertiques. De longues routes, toutes droites, isolées, à n'en plus finir. C'est la couleur de la terre qui changeait : de rouge, elle était jaune-orangée voire verdâtre, ou enneigée en Patagonie. Et après la blancheur des lacs salés, j'étais à présent hypnotisée par le bleu turquoise des lacs patagons. Atterrir à El Calafate a été magique !



L'aéroport d'El Calafate se situe à 23 km à l'Est de la ville. La solution la moins onéreuse pour gagner le centre-ville préconisée par mon guide était le minibus d'Airport Shuttle Service à 26 AR$ par personne. Cependant à 3, le taxi revient au même puisque le trajet est fixé à 80 AR$ [9]. Il suffit de payer aux bureaux (soit pour la navette soit pour le taxi) situé après le tapis à bagages. Il était 10h30. Que vous dire de la ville ? Elle semble vraiment sortie d'un chapeau de magicien, une rue principale [10], un casino, un grand supermarché [11], des restaurants [12], des boutiques souvenirs [13] et des agences de voyages/excursions [14] et puis parsemées par-ci par-là des hôtels [15] ! Une ville-champignon, victime de son succès, grâce ou à cause de l'influence du Président Kirchner, riche propriétaire de la région.



Nous posons donc nos valises chez Marta. Elle est intarissable sur sa région et le Perito Moreno [16] : elle resterait à le regarder des heures durant. Et c'est vrai : ce glacier semble vivant, mouvant, et bruyant ! À coup de grands fracas, de minuscules blocs glaciaires se détachent ci et là, résonnant dans l'immensité. Une immensité jamais tranquille puisque le glacier craque sans cesse, imperturbable dans son avancé. On comprend que ce glacier soit la vedette du Parque Nacional Los Glaciares [17] ! Ce magnifique glacier présente un front glaciaire de près de 5 km de large, 70 m de haut sur les eaux du Lago Argentino et couvre 250 km2, une immensité presque aussi vaste que l'ensemble des agglomérations de Buenos Aires ! Et il est difficile de se rendre compte que les montagnes en arrière plan se trouvent à 14 km des passerelles ! Ses parois bleutées, changeantes au gré des humeurs du climat, lui vaut le surnom de "glacier bleu" ou encore le "monstre bleu". Mais le Perito Moreno se distingue par son dynamisme et ses célèbres ruptures périodiques (tous les 3 ans en moyenne) : marqué par un écoulement régulier, il fut longtemps l'un des seuls glaciers de la planète à avancer au lieu de régresser. Mais aujourd'hui, il s'essouffle et stagne à cause du réchauffement climatique. Il est aussi notable qu'il est rare de pouvoir contempler un tel glacier à si basse altitude : il faudrait normalement atteindre les 1 800m...



Une après-midi extraordinaire : quoi de mieux pour amorcer une nuit de rêves fantastiques ?

Notes

[1] Puerto Madryn-Rio Gallegos (trajet de 18h environ) : départs quotidiens à 12h et 16h avec Don Otto, à 14h20 et 18h40 avec Andesmar, ou à 16h30 avec El Pingüino, pour des tarifs variant de 152 à 207 AR$ selon l'option bus normal, cama ou semicama. Puis Rio Gallegos-El Calafate (trajet de 4h environ) : départs quotidiens à 13h30 avec El Pingüino, à 12h, 14h et 20h30 avec Taqsa ou à 20h avec Sportman (sauf le dimanche), pour environ 40 AR$.

[2] On nous avait tant conté les mérites de l'avion comme étant LE moyen de transport en Amérique du Sud, que notamment les Argentins prenaient l'avion comme nous prenons le bus ou le train... Cette belle époque semble belle et bien révolue ! Tout d'abord parce qu'il semblerait que l'Argentine soit la victime d'une inflation galopante. Ensuite parce que les tarifs appliqués aux étrangers (déjà plus élevé que pour les Argentins) ont doublé depuis 2007... L'avion n'est plus si économique. Rajoutez des retards fréquents, un entretien des cabines parfois léger, des vols souvent complets car de petite capacité, ou non direct, et le tableau est complet !

[3] Aerolineas Argentinas est la principale compagnie Argentine. C'est de ce que j'ai vu la plus complète en terme de liaisons et de fréquences. Ancienne compagnie nationale, elle a essuyé des difficultés telles qu'elle a été rachetée par un opérateur Espagnol. Elle n'a pas bonne réputation : ni dans les guides de voyage, ni sur Internet sur les forums, ni auprès des voyageurs rencontrés durant notre périple... Mais nous n'avons eu aucun problème, excepté des en-cas et boissons pas très apétissants !

[4] Lan Chile relie Santiago à toutes les grandes villes du Chilie mais aussi de plusieurs destinations en Argentine. Elle aussi applique une différenciation de tarification si le voyageur est étranger et elle n'était pas vraiment moins chère qu'Aerolineas. Son avantage : elle a bien meilleure réputation qu'Aerolineas. Son inconvénient : elle possède un réseau en Argentine beaucoup plus réduit, des fréquences de vol plus faibles.

[5] Lade : une compagnie trouvée au hasard des forums sur Internet, à la réputation mitigée : comme pour les bus, on trouve de bonnes critiques comme de mauvaises critiques... Dans mon guide Geo, elle apparaît comme plus sérieuse qu'Aerolineas mais Lade opère des liaisons toujours entre Buenos Aires et différentes destinations (les principales destinations touristiques) comme un train omnibus : il a des étapes à desservir entre Buenos Aires et sa destination et les trajets sont différents chaque jour de la semaine. Les vols sont donc rarement directs, et il faut attendre un jour particulier pour aller dans un endroit particulier. Son avantage est son prix plus attractif. Mais en l'occurrence, dans notre cas, elle ne lie pas Puerto Madryn à El Calafate.

[6] Trelew-El Calafate coûte 728,55 AR$ avec Aerolineas, mais il ne faut pas oublier la taxe d'aéroport de Trelew de 6,05 AR$.

[7] L'aéroport de Puerto Madryn est desservi par la Compagnie Lade, celui de Trelew par Aerolineas.

[8] La navette coûte 25 AR$ par personne. Elle reste donc plus économique que le taxi, même à trois. Il me semble qu'un taxi demande environ 100 AR$. La navette se réserve via la réception de l'hôtel.

[9] Le taxi de l'aéroport pour gagner le centre ville d'El Calafate coûte donc 80 AR$. Mais grâce à Marta, notre charmante hôtelière, elle a négocié le taxi de retour à 50 AR$ !

[10] La rue principale s'appelle Avenida del Libertador General San Martin, un nom aussi long que la rue !

[11] Supermacados La Anonima, Avenida del Libertador 902 : on trouve de tout, même des fromages français en conserve... comme le célèbre camembert Gérard, un must de mes souvenirs d'enfance de la Réunion ! Un boisson style soda coûte 2,50 AR$, du brie Président en conserve 19,60 AR$, 3 petits pains ronds environ 1,15 AR$ (c'est au poids), un paquet de 50 sachets de maté cocido Rosa Monte vaut 1,90 AR$ et une pomme rouge 0,83 AR$... Voilà pour vous donner une idée des prix.

[12] Où manger ? La Lechuza, Avenida del Libertador & 1 de Mayo : environ 40 AR$ pour une salade + 2 empenadas + un jus d'orange pressé délicieux, ou environ 70 AR$ pour un steak + garniture + boisson (couverts et pourboire inclus); Pura Vida, Calle Gob. Gregores 1057 : une adresse conseillée par mon nouvel ami québécois, des produits frais et bien cuisinés. Dommage que ce soit fermé le mercredi... justement le soir où on voulait l'essayer !; La Cocina, Avenida del Libertador 1245 : restaurant italien, une bonne table d'El Calafate. Ici, ce sont les plats de pâtes qui sont conseillés. Et les desserts ont aussi leur mention spéciales. D'après mon guide Géo. Car moi je n'avais pas très faim donc je me suis contentée d'une soupe maison de potimarron (délicieuse avec sa pointe de crème et ses lamelles de tomates séchées) et d'une tarte locale au maïs et fromage (surprenant mais bon) pour environ 50 AR$; La Baguette, Calle 9 de Julio 49 : une boulangerie pâtisserie intéressante. Pas de comparaison vraiment possible car c'est la seule que j'ai pu tester ! J'y ai profité tout de même pour goûter la milanesa, une fine tranche de boeuf pané à la milanaise, dans un sandwich avec de la salade. Pas mal du tout !

[13] Shopping ? Il y a un marché artisanal tout mignon. On y trouve des articles en laine, en cuir, des bijoux, du chocolat, ... et des tasses à maté ! Il s'agit d'une jeune femme qui travaille des calebasses, le matériau d'origine des tasses à maté. Elles sont soient en couleur naturelle ou teintes, lisses ou gravées. Elles propose même de les personnaliser ! Compter entre 20 et 30 AR$ par tasse. Elle vend également des bombillas en métal (environ 25 AR$ mais dépend de la taille de la bombilla). Si j'avais eu du temps, je crois que j'aurai opté pour une paille en bambou mais bon... C'est pour moi le plus chouette cadeau souvenir que j'ai trouvé : petit et léger, pas vraiment fragile, décoratif et une tasse normalement suffit car je rappelle que le principe du maté c'est de partager la boisson dans la même tasse ! Donc pas besoin d'offrir tout un service ! Sauf si vous avez la place dans vos bagages... Mais j'ai découvert aussi une marque joliement marketée de thé : Inti Zen, qui propose 9 variétés de mélange, y compris le "Tea for Tango" qui est la douce association d'herbes à maté et de fleurs de jasmin. Enfin, pour compléter le panel des souvenirs, les cartes postales : de 2 à 3 AR$ mais perso j'essayais de ne pas dépasser 2 AR$. En général, ils vendent aussi les timbres qui coûtent 5 AR$ pour le reste du monde. Mais attention, nous ne le savions pas : il existe les timbres Correo (la poste autrement dit) et les timbres Fedex au même tarif mais du coup il faut soigneusement poster les cartes dans les boîtes correspondant au timbre... Chose que nous avons totalement ignorée car ignorantes de cette distinction... Nous ne savons toujours pas à l'heure actuelle si les cartes arrivent quand même !

[14] Comment y aller ? Mundo Australe, Avenida del Libertador 1114 : excursion quotidienne offrant deux départs pour le Perito Moreno (le matin et l'après-midi) pour 110 AR$/pers... Comptez l'entrée du Parc des glaciers en sus : 40 AR$. Il s'agit d'un van qui nous emmène voir le glacier pour l'admirer librement. L'après-midi, le départ est à 14h30. Le van peut aller chercher et ramener les passagers à leur hôtel. Durant le trajet, le chauffeur nous donne donne des clés d'information mais en Espagnol. Le retour est vers 18h30 du glacier, ce qui offre au moins 3 heures de contemplation intense ! Il existe d'autres formules pour les gens moins pressés par le temps comme s'y rendre à la journée dès le matin, s'y rendre par un simple transfert le matin par minibus Caltur depuis la gare routière mais sans guide, choisir l'excursion en bateau ou faire le Mini-trekking ou le Big Ice pour une formule plus complète. Évidemment, il est tout à fait possible d'y aller en voiture de location. Caltur, Avenida del Libertador : cette agence propose donc des transferts simples pour le Perito Moreno mais aussi pour aller à El Chalten. Le bus pour El Chalten se prend depuis la gare routière à 7h30 pour un retour à 18h30. L'aller-retour et à 130 AR$ par personne. Il n'y a pas de droit d'entrée au parc.

[15] Où Dormir ? Casa de Grillos, Los Condores 1215 : un charmant B&B tenu par l'accueillante et adorable Marta. Elle ne parle malheureusement qu'Espagnol mais est toujours disponible pour prodiguer de bons conseils. Accès internet gratuit (mais pas très rapide...). La chambre triple (appelée Glaciar Moreno !) coûte 220 AR$, petit-déjeuner inclus. Attention, pas de carte bancaire ! Marta laisse aussi en permanence à disposition de ses hôtes du maté, thé et café. Une très bonne adresse ! Elle se situe en plus dans la "Zona de Chacras", un quartier bucolique à deux pas de la réserve écologique de la Laguna Nimez, un peu excentré mais qui reste à 10 minutes à pied du centre-ville.

[16] Le bar est déconseillé : mieux vaut prévoir ses snacks et boissons. Prévoir également de bien se couvrir car il fait plus froid qu'à El Calafate et le vent peut y souffler très fort !

[17] Le Parc National des Glaciers a été créé en 1937 et s'étend sur plus de 120 000 ha. Il figure depuis 1981 au Patrimoine mondial de l'Unesco. Le paysage, avec sa multitude de lacs et ses chaînes de montagnes aux formes déchiquetées, est le fruit de l'érosion des glaciers qui couvraient jadis une superficie bien plus grande, avant d'entamer un lent retrait qui s'est accéléré ces dernières décennies, à l'exception du Perito Moreno.